Selon Van Helmont
 
 
Maine de Biran
 
 
 
Van Helmont (1580-1644) et Maine de Biran (1766-1824)
 
 
 
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Note éditoriale de 2019
 
Dans son livre “La Doctrine Secrète”,
Helena P. Blavatsky fait trois références à Jean
Baptiste Van Helmont (1580-1644), un disciple
de Paracelse. Naturellement, H.P.B. considère Van
Helmont comme un authentique mystique et penseur.
 
Dans le même œuvre, elle fait référence des dizaines
de fois à Paracelse (1493-1541), qui était l’un des
précurseurs du mouvement théosophique moderne.
 
Le texte qui suit est l’un des écrits de Maine de
Biran qui montre son lien avec la tradition ésotérique.
 
(Carlos Cardoso Aveline)
 
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La philosophie de Van Helmont explique mieux que la philosophie cartésienne comment il nous est devenu si difficile d’épurer ou d’intellectualiser nos conceptions et de faire que la lumière luise dans nos ténèbres, ce que nous obtenons bien mieux par des actes méritoires et le secours de la grâce que par des spéculations stériles et nos efforts propres.
 
Le mélange continuel des actes propres de l’esprit avec les opérations ou modes de l’âme sensitive, nous fait comprendre comment l’amour qui devrait toujours suivre la connaissance ou l’appréciation de la beauté prévient cette connaissance ou empêche cette appréciation, en tant qu’il est l’effet d’un pur attrait sympathique ou une tendance organique ou animale, et plus cette tendance de l’âme sensitive domine dans nos affections, plus l’esprit s’enveloppe et s’éloigne de sa haute direction. [1]
 
L’âme, plongée dans les ténèbres extérieures, s’est séparée de la lumière incréée et de la vertu de cette image divine égarée en elle. Ainsi elle a perdu sa lumière native en voulant se l’approprier, comme si cette lumière était en elle ou qu’elle en fût la vraie, la digne source. Voilà pourquoi elle n’entend, ne veut et n’aime plus rien qu’elle et pour elle seule. (V. Helmont, ibid.)
 
L’âme ne peut s’apercevoir elle-même ni par la raison, ni par l’imagination. L’esprit (mens) n’est pas senti; nous croyons pourtant à sa présence intérieure. La fatigue et les maladies ne peuvent rien sur lui: le sommeil, la fureur, l’ivresse, ne sont pas des symptômes de quelque lésion faite à cette âme immortelle; ce ne sont que les passions d’une vie inférieure ou de l’âme sensitive (V. Helmont, pag. 708, édit. apud Elzevirium).
 
Les opérations intérieures et constantes de l’esprit  son insensibles, et ce qui est sensible en soi ne peut être spirituel ni purement abstrait. Dans toutes les opérations de l’entendement et de la volonté, il y a toujours un esprit caché qui opère par son efficace insensible. Les mystiques pensent que cet esprit agit d’autant plus parfaitement qu’il ne se manifeste par aucun discours ni acte propre, et que, absorbé dans sa foi, il laisse faire Dieu. [2] Solœ potestates intellectuales sopitœ in cerebro velut dormirent, si non a prœcordiis illuminarentur.
 
J’ai le sentiment continuel de ce duumvirat, où l’équilibre, le repos et la paix sont si rares. En avançant en âge surtout, il semble que l’âme intellectuelle (mens) tende plus que jamais à se reposer dans sa demeure propre, au sein de cette âme sensitive où elle cherche vainement, par la seule force de l’habitude, un calme, une assiette fixe, qu’elle n’y trouve en aucun temps,  et moins que jamais, dans cette période de la vie.
 
Ainsi je me confie trop dans ces dispositions de l’âme sensitive, pour tout ce que j’ai à faire ou à entreprendre dans l’ordre intellectuel ou moral. J’attends de meilleures dispositions pour commencer ou continuer; je travaille comme je suis disposé, choisissant les sujets de travail les plus conformes à ces dispositions de l’âme sensitive, qui sommeille souvent, et s’excite ou s’engourdit par des causes internes, étrangères a la volonté. [3]
 
Voilà bien ce qui explique la persistance et le retour opiniâtre des images relatives à l’objet d’une passion [4] dominante. [5]
 
L’Esprit Pur et l’Âme Sensitive
 
Dans toute passion commençante, qui ne va pas encore jusqu’à absorber le moi, l’individu sent intérieurement comme une force étrangère à lui, qui s’insinue peu à peu et qui tend à s’emparer de lui ou à se mettre en sa place. C’est ainsi que dans les attaques de folie ou de rage, le malheureux, encore dans son bon sens, prévoit l’accès, le sent venir, dicte même les précautions à prendre, non pas contre lui tel qu’il est présentement, mais contre un autre être qui va se substituer à son moi, dont sa prévoyance ne lui offre aucun moyen de se garantir, mais qu’il sent comme nécessaire.
 
Van Helmont s’est attaché à caractériser les effets de cette âme sensitive, qu’il établit comme intermédiaire entre l’esprit (mens) et le corps, mais il pense que cet esprit, quoique retiré en lui-même et ne se confondant jamais avec l’âme sensitive, ne peut jamais s’en séparer entièrement (à moins que ce ne soit par une grâce particulière ou peut-être dans l’extase); qu’il préside à tous les actes de cette âme, en tant qu’il y assiste ou s’y rend présent, est tout entier inhérent à elle tout entière, et opère ainsi toujours avec elle d’une manière sourde en quelque sorte. Il en est ainsi depuis la chute de l’homme. [6]
 
Auparavant, l’esprit (mens) vivifiait le corps immédiatement, et il n’y avait point d’âme sensitive, de vie moyenne ou intermédiaire entre les actes intellectuels purs et les mouvements matériels; par suite point de passions ou d’affections sensibles; l’amour ne tenait qu’à la connaissance du beau et du bon ou n’en différait pas. Ainsi l’on pourrait croire que, d’après cette hypothèse, il n’y avait point d’attrait sensible dans l’amour des sexes; Adam savait ce qu’il faisait en engendrant; et il n’avait en vue que d’accomplir les décrets de Dieu, qui l’avait chargé de multiplier les espèces de cette beauté empreinte en lui-même.
 
La philosophie cartésienne, en faisant abstraction de l’âme sensitive ou de la vie moyenne, et réduisant tout l’homme à l’esprit pur et à la matière sensible, nous rapproche du berceau du genre humain et méconnaît les premiers effets du péché originel.[7]
 
NOTES:
 
[1] Quamdiu in carne degimus, vix substantiali ac pure intellectuali intellectu utimur: sed potius potestate phantastica, qualitate scilicet ejus vicaria. In extasi enim sœpe obdormiunt intellectus, voluntas et memoria, solo superstite amoris actu. (Van Helmont, “Imago Dei”, pag. 714 , edit. apud Elzevirium.) (M. de Biran)
 
[2] Dieu, ou plutôt, la loi universelle. (CCA)
 
[3] Somni naturalis excentricitates, porro vitia, defectus, ac expressœ dementiœ sunt sopores omnes. Impuritatum colluvies obsidens animam sensitivam, in suo viscere originali sopitactum intellectionis mentis, non potens in ita obsessam sensitivam libere lucere. (M. de Biran)
 
[4] Passion: Dans la philosophie classique, “ce qui est subi par quelqu’un ou quelque chose, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi, par opposition à l’action”. (Larousse) (CCA)
 
[5] Fortis perturbatio nostrœ imaginationis imaginem cudit, eamque imprimit  in sordes aliquas, ………. in ipsum alimentum vel etiam in partem solidam et nostri constitutivam. (id) (M. de Biran)                   
 
[6] La chute de l’homme: la différenciation des sexes, lors de la troisième race-racine, selon la théosophie et “La Doctrine Secrète”, de Helena Blavatsky. Voir “The Secret Doctrine”, H. P. Blavatsky, volume II, p. 777. (CCA)
 
[7] Péché originel: “la chute de l’homme”, la différenciation des sexes, la matérialisation complète de l’espèce humaine selon Helena Blavatsky. (CCA)
 
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Reproduit de “Oeuvres Philosophiques de Maine de Biran”, publiée par V. Cousin, Tome Troisième, Paris, Libraire de Ladrange, 1841, 345 pp., pp. 341-345.
 
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Le texte “Distinction de L’Âme Sensitive et de L’Esprit” a été publié dans nos sites web associés le 21 mai 2019.
 
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